Indices de présence du locuteur : comment les identifier et les analyser ?

3 août 2025

Un énoncé n’est jamais un simple alignement de mots : il porte la trace de celui ou celle qui l’a formulé, parfois discrètement, parfois avec éclat. Oublier cette dimension, c’est passer à côté de l’énergie même du texte et de ce qui l’anime.

Comprendre l’énonciation et la présence du locuteur : enjeux et définitions

La présence du locuteur ne se limite pas à quelques mots soulignés dans une phrase. Elle s’installe, s’impose ou se fait oublier, selon le projet d’écriture. Les linguistes appellent cela l’énonciation : cet acte qui consiste à produire un énoncé dans un contexte, avec des destinataires, à un moment précis. Ce qui compte ici, c’est de voir comment le discours s’inscrit dans l’instant, comment il porte la marque de celui ou celle qui le tient, entre volonté d’affirmation et choix de retrait.

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La situation d’énonciation ? Elle regroupe tout ce qui ancre la parole : qui parle, à qui, quand, où, dans quelle intention. Parfois, ces éléments se devinent à travers le texte. D’autres fois, ils s’effacent, laissant place à une voix qui se veut neutre, universelle, presque anonyme, comme dans un manuel ou une définition scientifique.

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Deux types d’énoncés

On distingue toujours deux grandes familles d’énoncés, chacune révélant un rapport différent au locuteur :

  • Énoncés ancrés dans la situation d’énonciation : le locuteur s’y montre. On repère alors pronoms personnels, adverbes de temps ou de lieu, voire des modalisateurs. Autant d’éléments qui trahissent une implication directe.
  • Énoncés coupés de la situation d’énonciation : ici, la voix du locuteur disparaît, ne laissant que le général, l’objectif. Typique des définitions, des lois scientifiques, de tout ce qui prétend à l’universalité.

Entre énonciation et énoncé, toute l’analyse linguistique s’articule. Penchez-vous sur le système d’énonciation : il révèle, par ses ancres (je, ici, maintenant), le lien entre ce qui est dit et le contexte qui lui donne naissance. Cette approche éclaire la lecture, qu’il s’agisse d’un essai argumentatif ou d’une conversation banale.

Quels sont les principaux indices de présence du locuteur dans un texte ?

Pour commencer, attardez-vous sur les pronoms personnels. Ils sont les signaux les plus visibles de la présence du locuteur. Un « je » affirmé, un « nous » fédérateur, un « mon » ou « notre » glissé dans la phrase : il suffit d’un mot pour que la subjectivité affleure, pour que l’auteur s’inscrive dans la parole.

Les adjectifs possessifs (« ma vision », « notre analyse ») en rajoutent une couche, tout comme les exclamations ou les questions rhétoriques, qui colorent le texte d’une voix singulière. Les modes verbaux (subjonctif, impératif) ne sont pas en reste : l’impératif, par exemple, implique le lecteur, l’invite à entrer dans la dynamique du texte.

Il ne faut pas négliger les modalisateurs : ces petits mots (adverbes, verbes, adjectifs) qui installent le doute, la réserve ou au contraire l’assurance. « Peut-être », « il semble », « sans doute » : chacun nuance l’affirmation, marque une distance ou revendique une certitude.

Dans un texte argumentatif, l’accumulation de ces marques d’énonciation n’est jamais anodine. Elle signale une stratégie, une volonté d’influencer ou de convaincre. Même la structure de la phrase, qu’elle soit exclamative ou interrogative, vient souligner l’engagement du locuteur.

Tous ces indices de présence dessinent en creux la relation entre l’auteur, son texte et son public. Ils montrent à quel point la subjectivité irrigue le moindre énoncé, même quand elle cherche à se cacher.

Analyse détaillée : comment repérer et interpréter ces indices en pratique

Identifier les indices de présence du locuteur demande un regard attentif sur la construction du texte et ses choix de formulation. Commencez par examiner l’utilisation des pronoms : la première personne du singulier ou du pluriel ne trompe jamais sur l’implication de celui qui écrit. Dans une argumentation, leur répétition traduit souvent une volonté de prise de position ou d’engagement, une dimension largement étudiée par Kerbrat-Orecchioni en linguistique de l’énonciation.

Regardez ensuite les modalisateurs. Ce sont eux qui nuancent, atténuent, ou au contraire renforcent le propos. Ils dessinent le rapport complexe entre ce qui est dit et celui qui le dit, allant du doute à l’affirmation sans détour. Les formes interrogatives et exclamatives sont aussi des marqueurs, qu’il convient d’interpréter selon leur fréquence, leur place et leur fonction dans le texte.

Pour mieux vous y retrouver, voici une typologie courante des indices à observer :

  • les indices de personne : pronoms, adjectifs possessifs ;
  • les indices de subjectivité : modalisateurs, évaluatifs ;
  • les indices de modalisation : verbes d’opinion, d’incertitude.

Prendre le temps d’analyser ces éléments, que ce soit dans un article, un essai ou un extrait littéraire, permet d’accéder à l’intention du locuteur et de décoder ses choix stratégiques. Les fiches de français, précieuses pour cet exercice, rappellent l’importance de situer chaque indice dans son contexte, afin de ne pas se contenter d’une lecture superficielle et de saisir la subtilité de l’implication du locuteur.

Ressources et outils pour approfondir l’étude de l’énonciation

Pour aller plus loin dans l’analyse du discours, une multitude de ressources sont à disposition. Les fiches de cours facilitent la distinction entre énoncé et situation d’énonciation, tout en offrant des exemples concrets de marques d’énonciation. Les travaux de Catherine Kerbrat-Orecchioni, figure centrale en linguistique de l’énonciation, constituent une référence pour explorer la question de la subjectivité.

Les plateformes académiques rassemblent des fiches de révision et des tableaux récapitulatifs, très pratiques pour repérer rapidement les indices de présence : pronoms personnels, modalisateurs, verbes d’opinion. Grâce à ces outils, l’analyse des stratégies discursives et des degrés d’adhésion du locuteur devient plus accessible.

Certains corpus disponibles en ligne offrent la possibilité d’effectuer des recherches croisées sur les modalisateurs ou les marques de subjectivité dans des textes variés. Des logiciels spécialisés, comme TXM ou Voyant Tools, permettent d’étudier en profondeur les marques d’énonciation sur un grand nombre de documents, en associant données quantitatives et interprétations fines.

Les bibliothèques universitaires et les portails dédiés aux sciences du langage recensent de nombreuses ressources pour approfondir la notion d’acte de langage, explorer la situation d’énonciation ou questionner l’ancrage personnel dans le texte. Ces outils complètent la démarche d’analyse, ouvrant des perspectives à la fois théoriques et pratiques.

À chaque lecture, à chaque phrase, le locuteur laisse une empreinte. Savoir la repérer, c’est lire autrement, entre les lignes, là où se joue le vrai dialogue entre l’auteur et ses mots.

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